Vers une écologie de la perception
Et si la manière dont nous regardons le monde était le cœur de la crise écologique ? Cet article explore l’art, l’imaginal et l’attention comme voies de réenchantement. Une écologie du sensible.
Art, nature et imagination dans un monde enchanté
Et si la crise écologique n’était pas seulement une crise des ressources, mais une crise du regard ? Et si le monde cessait d’être un objet… pour redevenir un vis-à-vis ?

Voir autrement
Pendant des siècles, la nature a été considérée comme un décor, un réservoir, un mécanisme. Une matière inerte à analyser, mesurer, exploiter. Cette vision, héritée du dualisme moderne, a conduit à l’objectivation radicale du monde : ce n’est plus “quelqu’un” qu’on rencontre, mais “quelque chose” qu’on utilise.
Mais avant d’être une crise des milieux, la catastrophe écologique est une crise du milieu intérieur : une perte de relation. Nous ne savons plus voir. Nous avons désappris à sentir, à dialoguer, à recevoir.
𒆖 L’urgence n’est pas seulement de changer de technologies, mais de changer de perception.
L’imaginal : une voie du milieu entre réel et fiction
Dans sa pensée poétique, Patrick Harpur propose un concept clé : l’imaginal. Ni pure imagination subjective, ni réalité brute extérieure, l’imaginal est cet espace tiers où le monde se donne sous forme de symboles vivants. C’est la couche mythique, vibratoire, sensible du réel.
Les peuples racines y ont toujours habité. Les poètes, les mystiques, les enfants aussi. Là où un regard moderne voit un arbre, l’œil imaginal perçoit un gardien, un portail, une mémoire.
Retrouver cette capacité, c’est revenir dans le tissu vivant du monde. Non pour croire à des fées, mais pour réhabiliter le lien sensible comme mode d’existence.
Voir, c’est aimer
La perception n’est jamais neutre. Elle est un acte, une offrande. Une manière de se relier.
Dans une écologie de la perception, voir devient une forme d’éthique. Car ce que je regarde avec attention, tendresse, curiosité… s’éveille. Et ce que je fige dans une catégorie, une fonction, un usage… se referme.
L’art, en ce sens, est un laboratoire de perception élargie. Il nous entraîne à voir plus loin que les apparences : à sentir l’invisible dans le visible, l’inconnu dans le familier. À goûter le monde comme présence.
De la cartographie à l’incarnation
Aujourd’hui, nos “solutions” écologiques sont encore souvent issues d’un paradigme quantitatif. On mesure, on compense, on corrige. Mais sans basculement du regard, ces actions restent partielles, extérieures.
Ce dont nous avons besoin, c’est d’une écologie incarnée. Une écologie du dedans. Une manière d’habiter le monde en tant qu’artiste, en tant qu’amant, en tant que partie vibrante d’un tout.
Cela implique un retournement : ne plus se penser en-dehors de la nature, mais en elle, avec elle, à travers elle. Non plus “sauver la planète”, mais réapprendre à l’aimer.
Poétique de l’attention
Chaque perception est une offrande. Chaque regard est une graine. Chaque lien sensible transforme le monde.
Et si le geste le plus écologique, aujourd’hui, était de regarder une feuille comme un miracle ? De laisser un silence habiter un mot ? D’ouvrir un espace intérieur pour que le monde vienne s’y poser ?
L’enchantement n’est pas un luxe. C’est un mode d’être au monde. Une écologie du sensible.
Une pratique quotidienne
Petit exercice pour les curieuses et les curieux :
Ferme les yeux. Respire.
Puis ouvre-les comme si tu regardais le monde pour la première fois.
Non pas comme un “chose”, mais comme un Autre.
L’arbre te regarde. La pierre écoute. Le vent se souvient.
Et toi, qui es-tu, dans ce grand miroir de la présence ?
Pour une nouvelle alliance
Dans une écologie de la perception, le monde devient un partenaire. Une altérité vivante, vibrante, offerte.
Nous ne sommes pas les sauveurs de la Terre. Nous sommes ses enfants éveillés, appelés à co-créer un monde plus sensible, plus relié, plus incarné.
Non pas en fuyant la matière, mais en la re-sacralisant. Non pas en niant la raison, mais en l’épousant à l’imaginal.
Voir autrement, c’est aimer autrement. Et aimer autrement, c’est déjà changer le monde.
🧭 Pour aller plus loin
Voici quelques ressources pour approfondir cette bascule.
𒆖Biodiversité : de la conscience de la séparation à l’interconnexion (3 min)
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🌱 Pratique : se relier au tout
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