Psychédéliques : ce que le récit médiatique dominant refuse d'entendre

Un récent article du Monde m’a cité, mais pas écouté. Derrière ce détail se cache une limite plus large : celle d’une société qui ne sait pas encore entendre l’exploration intérieure comme voie de connaissance.

Quand on se lit dans un article de presse, il y a une sensation étrange qui survient.
Car on s’attend naturellement à ce qu’un journaliste relate, qu’il retranscrive fidèlement ce qui a été dit, comme un témoin transparent.
Mais lorsqu’on découvre l’article publié, on réalise que le journaliste ne s’est pas contenté de raconter : il a éditorialisé.

Il n’a pas seulement rapporté le réel, il l’a organisé, orienté, parfois ajusté pour qu’il corresponde à l’angle de son papier — à ce qui peut être dit, compris, accepté dans le cadre du récit prévu.

Et c’est là que naît l’étrangeté : ce décalage subtil mais profond entre l’expérience vécue et sa version mise en scène.


Le cadre du récit : psychédéliques = mal-être → thérapie → risque

Le récent article du Monde dans lequel j'apparais brièvement installe un angle très clair : les psychédéliques seraient une réponse à la souffrance psychique, un outil de bien-être, une tentative de dissolution de l’ego risquée mais tentante.

C’est un angle.
Ce n’est simplement pas le mien.

Ce cadre-là, fondé sur la psychologie, la santé mentale, les troubles et la réparation, permet de parler des psychédéliques sans dépasser les frontières du dicible.
Tant qu’on reste dans “le soin”, le débat est légitime, raisonnable, acceptable.


Mon parcours réel : non pas guérir, mais explorer pour se comprendre

La journaliste me prête une phrase que je n’ai pas prononcée, suggérant que j’aurais vécu un “vide immense”, comblé par l’irruption des psychédéliques.
Or c’est presque l’inverse :
les psychédéliques sont arrivés tard, très tard, dans un processus d’exploration déjà engagé depuis des années.

J’avais déjà ouvert bien des portes pour explorer le réel sous différents angles, que ce soit les pratiques introspectives (méditation, contemplation) ou l’exploration pratique des états modifiés de conscience, notamment par le souffle ou au tambour.

Je ne suis pas venu aux psychédéliques pour “aller mieux”.
Je m'y suis ouvert pour aller plus loin dans mon exploration.

Ma question n’était pas : comment me réparer ?
Elle était : comment comprendre ce que je suis, ce qu’est le réel, et quelles sont les limites de la carte qu’on m’a donnée pour le parcourir ?

Les psychédéliques ont été une voie, parmi d’autres.
Une voie ni centrale, ni universelle, ni nécessaire pour tout le monde.
Juste une voie possible dans une discipline plus vaste :
l’exploration de la conscience.


Avec l'INEXCO, sortir du seul paradigme thérapeutique

Lorsque j’ai évoqué mon parcours et le projet INEXCO avec la journaliste, je n’ai pas parlé de “bien-être”, ni de “guérison”.
J’ai parlé de connaissance de soi.
De métaphysique vécue.
D’expérience directe.

L’ambition de l'INEXCO n’est pas de soigner qui que ce soit.
C’est de montrer qu’une immense partie du réel se comprend par l’expérience intérieure, et que les états de conscience modifiés — psychédéliques ou non — offrent des accès à cette connaissance.

C’est un projet ontologique, pas thérapeutique.
C’est une recherche, pas une consolation.


Pourquoi le récit dominant ne peut pas entendre cela

Nous vivons dans un champ sémantique déjà balisé, où ce qui peut être dit est déjà… autorisé.

Dans la carte du réel dessinée par nos institutions — scientifiques, médicales, et surtout médiatiques — il n’existe pas (encore) de place pour l’expérience directe du sacré, l’exploration intérieure comme méthode de connaissance, les états de conscience comme outils épistémologiques.

Tout ce qui dépasse ce cadre devient immédiatement, au choix :
du bien-être, de la psychothérapie, de la fuite, du risque, ou du charlatanisme.

Pas par malveillance.
Par incompétence conceptuelle.

Si la journaliste avait pris des psychédéliques en cérémonie, en contexte exploratoire, peut-être aurait-elle entendu une autre histoire.
Lors de notre échange, elle m'a indiqué les avoir expérimentés en contexte festif… ce qui ne remet pas en cause son travail, mais situe simplement un horizon d’expérience différent du mien.

Ce que je souhaite ajouter au débat


Les psychédéliques ne sont ni bons ni mauvais.
Ils ne sont ni la solution ni le problème.
Ils ne sont ni un remède, ni un portail en soi.

Ils sont un prisme.
Et ce prisme ne fait sens que dans une trajectoire de connaissance.
Une trajectoire intérieure, patiente, longue, difficile, qui commence bien avant la première molécule.

Le réel n’a pas besoin qu’on y croie.
Il a besoin qu’on l’explore.

Et dans cette exploration, les psychédéliques sont une voie parmi d’autres — ni supérieure, ni inférieure — dans une discipline beaucoup plus vaste que notre époque peine encore à nommer : l’écologie de la conscience.

Je ne vous invite pas à prendre une molécule.
Je vous invite à poser une autre question : comment voulez-vous explorer ce que vous êtes ?