Pourquoi le temps, l’espace et la matière sont une illusion

Deux explorateurs du réel, Rupert Spira et Donald Hoffman, l'un mystique l'autre scientifique, esquissent un paradigme post-matérialiste où le monde n’est plus fait de matière, mais de signification.

Et si la conscience n’était pas le produit du monde, mais son tissu même ?
Et si l’espace, le temps et la matière étaient des reflets dans un miroir plus vaste : celui de l’expérience consciente ?

Rupert Spira et Donald Hoffman — aux frontières du réel


La fin du monde matériel

Pour le grand public, le réel est ce qui résiste : le solide, le mesurable, le prévisible.
Mais pour Donald Hoffman, chercheur en sciences cognitives à l’université de Californie, ce que nous appelons “réalité” n’est qu’une interface perceptive, un tableau de bord simplifié conçu par l’évolution pour favoriser la survie — non la vérité.

Nos sens ne révèlent pas le monde, ils le traduisent.
Comme les icônes d’un ordinateur cachent la complexité du code, nos perceptions masquent la structure fondamentale du réel.
L’espace, le temps et la matière ne sont pas des absolus : ils sont des outils de navigation au sein d’un champ plus profond — la conscience.


La conscience comme fondement

C’est ici que la science rejoint la mystique.
Rupert Spira, enseignant contemporain de la non-dualité, exprime la même intuition depuis une autre porte d’entrée : tout ce qui apparaît, apparaît dans et comme la conscience.
L’univers n’est pas dans l’espace et le temps : ce sont l’espace et le temps qui émergent dans la conscience.

La matière, selon Spira, n’est pas une substance extérieure : elle est la texture même de l’expérience.
Tout ce que nous connaissons — perceptions, pensées, émotions, souvenirs — surgit et disparaît dans ce même espace conscient.
Cet espace n’a ni bord, ni centre, ni commencement.


Une science de la conscience

Donald Hoffman ne rejette pas la rigueur scientifique — il cherche à l’élargir.
Il propose un modèle mathématique de la réalité fondé non sur des particules, mais sur des agents conscients : des unités d’expérience interagissant selon des lois formelles.
Dans cette physique de la conscience, les équations décrivent non plus le mouvement de la matière, mais le mouvement de la signification.

Pour Spira, cette équation est déjà résolue dans l’expérience directe : reconnaître que la conscience est première, c’est retrouver la paix — la seule constante du réel.
Le monde cesse alors d’être un ensemble d’objets séparés :
le monde devient un champ de présence en relation avec lui-même.


Quand la science rejoint la contemplation

Ce dialogue entre Hoffman et Spira marque une rencontre rare : celle de la rigueur et du silence.
L’un part du cerveau pour retrouver la conscience ; l’autre part de la conscience pour dissoudre le cerveau dans le tout.
Leurs chemins se rejoignent dans une même évidence : la réalité n’est pas quelque chose que nous observons, mais ce que nous sommes.

La séparation entre sujet et objet n’est qu’un effet de perspective.
Sous la surface, tout est conscience en relation avec elle-même — un champ unique de présence se rêvant en multiplicité.

Changer de carte du réel

Leur message n’est pas une spéculation métaphysique, mais une invitation existentielle.
Si la conscience est la source du monde, alors chaque pensée, chaque regard, chaque intention participe à la création du réel.
Le monde n’est plus un décor figé, mais un miroir vivant, une scène d’évolution partagée.

Changer de carte du réel, c’est passer d’un univers d’objets à un univers de relations.
C’est reconnaître que la science et la spiritualité ne sont pas deux voies opposées, mais deux instruments d’un même orchestre : celui de la conscience qui s’éveille à elle-même.


Voir la vidéo de la rencontre entre Rupert Spira et Don Hoffman (Youtube, 2h30, VO)

Résumé

• Deux explorateurs du réel, l’un par la science, l’autre par la conscience.
• Donald Hoffman démontre que nos perceptions ne révèlent pas la réalité : elles la codent pour la survie.
• Rupert Spira affirme que tout ce qui apparaît surgit dans et comme la conscience.
• Ensemble, ils esquissent un paradigme post-matérialiste où le monde n’est plus fait de matière, mais de signification.
• La science devient contemplation ; la contemplation, connaissance.
• Une même intuition les unit : la conscience est le tissu du réel.

Qui est qui ?

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Rupert Spira (né en 1960, Oxford, Royaume-Uni)
• Enseignant spirituel et écrivain britannique issu de la tradition de la non-dualité (Advaita).
• Formé à la fois à la philosophie de Krishnamurti et à la pratique de la méditation auprès de Francis Lucille, lui-même élève de Jean Klein.
• Auteur de nombreux ouvrages, dont Being Aware of Being Aware et The Nature of Consciousness.
• Sa voie repose sur la reconnaissance directe : tout ce qui apparaît — pensées, perceptions, émotions — apparaît dans et comme la conscience.
• Il décrit la conscience non comme un phénomène individuel, mais comme la réalité fondamentale, universelle et intemporelle, à partir de laquelle le monde est perçu.
• Apport principal : traduire les intuitions métaphysiques de l’Advaita en un langage clair, accessible et expérientiel, reliant la contemplation à la vie quotidienne.
• Au-delà de l’enseignement : une mystique incarnée où science, art et silence convergent vers la même évidence — la conscience est ce que nous sommes, avant toute pensée.
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Donald Hoffman (né en 1955, San Francisco)

• Chercheur en sciences cognitives et professeur à l’université de Californie à Irvine.
• Spécialiste de la perception visuelle et des modèles computationnels de la conscience.
• Auteur du livre The Case Against Reality (2019), où il défend l’idée que la réalité perçue n’est pas un reflet du monde, mais une interface évolutive conçue pour la survie.
• Travaille à une théorie mathématique de la conscience fondée sur des « agents conscients » : des unités d’expérience interagissant selon des lois formelles, indépendamment de la matière.
• Son approche remet en question le réalisme physique : l’espace, le temps et la matière émergent de la conscience, et non l’inverse.
• Apport principal : proposer une physique de la conscience — un modèle scientifique où la perception, loin d’être un miroir du réel, devient le langage même par lequel la conscience se déploie.
• Au-delà de la recherche : une tentative de réconcilier rigueur scientifique et métaphysique en posant la conscience comme fondement premier du cosmos.

Pour aller plus loin

  • Donald Hoffman — The Case Against Reality
  • Rupert Spira — Being Aware of Being Aware
  • Série INEXCO : Changer de carte du réel
    • Le champ unifié du vivant (Rupert Sheldrake & Lynne McTaggart)
    • La conscience quantique du cosmos (Bernardo Kastrup & Amit Goswami)