"Le pacte des veilleurs"
Deuxième récit des Chroniques du basculement, notre collection naissante de nouvelles du seuil et exploration d'écriture collective.
Ils ne sauvent pas. Ils veillent.
Depuis l’œil du cyclone,
ils tiennent la ligne invisible du monde qui bascule.

Elle ne savait pas qui ils étaient.
Elle ne les avait jamais rencontrés.
Mais parfois, dans certains silences, elle les sentait.
Comme un souffle sous la peau,
comme un battement commun,
comme si quelqu’un, quelque part, restait éveillé pour elle.
Elle appelait ça le pacte des veilleurs.
Ils n’avaient pas de noms.
Ils n’avaient pas de lieu.
Mais ils tenaient, ensemble, une vibration qu’elle n’aurait jamais pu porter seule.
La première fois qu’elle les a sentis,
c’était une nuit blanche —
une de celles où l’ombre gratte à la porte du cœur.
Elle allait céder.
Tout en elle vacillait.
Mais dans cette nuit-là, une chaleur étrange est apparue, juste derrière sa nuque,
comme un regard invisible qui disait :
Tiens. Respire. Tu n’es pas seule.
Depuis ce jour, elle veille, elle aussi.
Pas tout le temps.
Pas parfaitement.
Mais elle veille.
Elle a compris quelque chose d’essentiel :
on ne sauve personne en se jetant dans la tornade avec eux.
Il faut rester au centre.
L’œil du cyclone.
Là où c’est silencieux.
Là où le chaos tourne autour sans entrer.
Elle a vu des proches happés.
Pris dans les spirales de peur, de colère, d’hypnose.
Et souvent, elle a voulu les rejoindre.
Tendre la main.
Crier.
Expliquer.
Mais très vite, elle a compris :
si tu tends la main depuis le cyclone, tu es emporté avec eux.
La seule façon d’aider, c’est d’être présence.
Stable.
Visible.
Là, au centre.
Comme un phare.
Comme une option vibratoire disponible.
Le monde n’a pas besoin de sauveurs.
Il a besoin de centres solides.
Depuis, elle ne discute plus.
Elle s’aligne.
Elle dégage un espace.
Et parfois, un regard la rejoint.
Elle sait alors qu’un autre veilleur s’est réveillé.
Sans mot.
Sans promesse.
Juste en la reconnaissant.
Tu ne les verras pas dans les journaux.
Mais parfois, en regardant quelqu’un dans la rue,
tu sentiras un frémissement.
Et si tu es attentive…
Tu sauras.
Tu n’as pas à sauver le monde.
Tu as à rester au centre.
Et à y vibrer la paix.
✶
Postface vibratoire — pour celles et ceux qui tiennent la ligne
Ce récit est une vibration de reconnaissance.
Il parle d’un engagement silencieux que beaucoup ont pris sans le dire.
Veiller ne signifie pas “ne rien faire”.
Veiller, c’est rester au centre quand tout tangue.
Si tu sens que cette fiction te parle comme si elle venait de toi,
c’est peut-être parce qu’elle vient de vous.
Tu peux déposer tes fragments pour qu’on continue à écrire ensemble
les prochaines Chroniques du Basculement.
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